Roby Hoffmann à Eupen

Écrit par Albert Moxhet
Vendredi, 31 Octobre 2014

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Critique

Percevoir avec une certaine acuité ce qui nous entoure est sans doute la première attitude qui révèle un regard à la fois intelligent et actif. Tant de gens passent à travers le monde sans rien voir ! Mais la perception active est aussi le point de départ de toute démarche artistique, pourvu que s’y mêle une émotion. Beaucoup en sont capables, mais il faut ajouter à ce point de départ la dimension d’une expression personnelle, ce qui inclut une maîtrise technique. C’est ici que le nombre se restreint et qu’interviennent nuances et proportions variables, puisqu’il s’agit essentiellement d’interprétation. Et s’il est vrai que l’art est vivant, il dit donc pouvoir évoluer, sous peine de se scléroser en un processus répétitif. Aussi est-il normal de parler du cheminement ou la recherche d’un artiste.

Le parcours de Roby Hoffmann nous donne un exemple caractéristique de cette recherche. Se sentant à l’étroit dans son travail de studio graphique en imprimerie, l’artiste malmédien reprit une liberté aléatoire, certes, mais assumée en toute conscience. Ses premières expositions révélèrent un artiste original, structurant ses compositions en des jeux de traits fins et souples qui analysaient le paysage avec sensibilité. Les pinceaux s’attaquèrent ensuite à la toile, avec une vigueur proche des jeunes fauves, dans des gammes de couleurs hardies mais sans agressivité, où la figuration devenait d’avantage mouvement. L’évolution se fit très gestuelle, prenant du champ par rapport à un réel de plus en plus suggéré, de plus en plus intériorisé. De larges aplats initièrent un dialogue parfois vif entre les couleurs, mais porteur d’une sérénité dont la profondeur ne se démentiras plus.

Roby Hoffmann se tourne alors vers les matières : le bois, le verre, le métal, l’ardoise, non pas dans leur nouveauté, mis dans l’expérience d’une longue fréquentation humaine. Il associe ces matériaux ou souligne l’écoulement du temps qui les a façonnés. A l’occasion, il leur confère une nouvelle vie en créant des installations en rivière. Le dessin des rainures retrouvées sur les cherbins désaffectés lui inspire des compositions picturales aussi sobres que sensibles.

On ne s’étonnera donc pas que la philosophie orientale, rencontrée au contact de la population en Inde ou en Chine, trouve une résonnance particulière dans l’esprit et l’expression d’un artiste qui est toujours en quête de l’essentiel humain et non des apparences. Dans le travail de Roby Hoffmann, cela se traduit par des formes suggérées où le regard peut, si tel est son bon plaisir, interpréter le relief de lointains paysages perçus dans la brume. Plus que jamais, l’artiste propose et le visiteur dispose, c’est la grande liberté que postule l’art contemporain.

Avec ici toute la finesse de sensibilité d’un artiste qui poursuit son itinéraire intérieur sans pour autant resté dans une tour d’ivoire : les contacts qu’il entretient avec d’autres créateurs, témoignent d’une ouverture d’esprit qui exclut tout narcissisme et toute exclusive. Le chemin se trace sans rien de préconçu, s’élève vers une contemplation toujours plus riche d’expérience humaine, offerte en partage dans la discrétion d’un authentique talent.

Albert Moxhet
Critique d’art